Les torts de Google redressés

Le 21 mars 2012

La firme Google est secouée par le fisc français. Le géant de l'Internet pourrait s'être rendu coupable d'évasion fiscale depuis l'Irlande entre 2008 et 2010. Il y a un an nous avions mis en évidence le montage permettant à Google d'imputer en Irlande une part importante de ses revenus réalisés en France. Le montant de 100 millions d'euros de redressement est avancé.

La nouvelle est arrivée mardi en début d’après-midi, Google France tombe sous le coup d’une procédure de redressement fiscal pour un montant d’environ 100 millions d’euros. En cause, une partie du dispositif irlandais de défiscalisation par la firme, qu’OWNI avait décrit au mois d’avril 2011, et qui pourrait lui avoir permis d’échapper à l’impôt sur les sociétés ainsi qu’à la TVA entre 2008 et 2010.

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Cette grosse punition intervient au lendemain de la révélation par le site de l’hebdomadaire L’Express d’une descente de la Direction nationale des enquêtes fiscales (DNEF) et des Douanes au siège parisien de Google, le 30 juin 2011. Lors de la perquisition, de nombreux “mails, factures et autres contrats” ont été saisis puis conservés comme pièces à conviction pour évaluer le montant de l’impayé. Et déterminer l’origine des opérations menées en France auprès des clients et des fournisseurs de Google.

En d’autres termes, il s’agit d’établir si la facturation des achats de liens sponsorisés peut être légalement établie au siège social irlandais de la firme. C’est de l’évasion fiscale si les ordres ont été enregistrés en France. Sur ce point, Bercy émet des réserves quant à la localisation du centre des décisions commerciales de Google qui pourrait avoir réalisé une partie de ses opérations dans l’Hexagone sans s’acquitter du montant de la taxe.

C’est sans doute le fossé abyssal entre le chiffre d’affaires de Google France (68,7 millions d’euros en 2010) avec son cousin du Royaume-Uni (2,5 milliards d’euros), 37 fois plus important, qui a pu mettre la puce à l’oreille de la DNEF. D’autant que la France reste un pays économiquement important pour l’entreprise américaine, qui détenait 95% du marché des liens sponsorisés en 2010 et pour laquelle l’Hexagone constitue encore le quatrième pays en terme d’activité selon L’Express.

La problématique de l’enquête du fisc consiste alors à déterminer juridiquement où se trouve cette localisation. S’il s’avérait que les ordres passés en France ont suivi un “cycle commercial complet” avant d’aller directement dans les caisses de l’Irlande, la justice française redressera les bretelles du moteur de recherche avant de lui vider les poches. Dans le cas contraire, où la procédure resterait tout ce qu’il y a de plus réglementaire, Google ne paierait rien. Le ministère du Budget n’a pas souhaité faire de commentaire au nom du secret fiscal. De son côté, un porte-parole de la firme a déclaré à l’AFP :

Google se conforme aux législations fiscales de tous les pays dans lesquels l’entreprise opère, et nous sommes convaincus d’être en conformité avec la loi française.

Les avocats de l’entreprise ont donc tout intérêt à éviter un redressement fiscal qui, même s’il représente une part pouvant sembler dérisoire au regard du chiffre d’affaires annuel de l’entreprise (29,32 milliards de dollars en 2010), équivaut tout de même 145% du chiffre d’affaires de Google France. Une condamnation du géant américain serait également synonyme de jurisprudence et ouvrirait la porte à des conséquences pour les autres grandes entreprises du marché notamment Facebook, Apple et Amazon connues elles aussi pour leur politique d’optimisation fiscale européenne. Les conduisant à fonder de multiples structures au Luxembourg.

Cette affaire de redressement intervient seulement quelques jours après la proposition par Nicolas Sarkozy de “taxer les géants du net” et notamment Google qui ne paie que 2,4% d’impôts ses bénéfices en Irlande. Problème, la proposition d’une taxe sur la publicité en ligne a déjà été retoquée à la demande du Conseil National du Numérique (CNN), en juin 2011.

Cette fois, le président-candidat semble décider à imposer les grandes entreprises de l’internet qui devront, s’il est réélu, “s’acquitter d’un impôt représentatif des activités dans notre pays”. Le 15 mars dernier, il déclarait à l’hebdomadaire Le Point:

Il n’est pas admissible qu’ils réalisent un chiffre d’affaires de plusieurs milliards d’euros en France sans contribuer à l’impôt


Photos sous licences Creative Commons par Stuck in Customs [CC-byncsa]

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